- PHILIPPE II LE HARDI
- PHILIPPE II LE HARDIPHILIPPE II LE HARDI (1342-1404) duc de Bourgogne (1363-1404)Fils du roi de France Jean II le Bon et de Bonne de Luxembourg, Philippe le Hardi domine la vie politique française de la fin du XIVe siècle. Très populaire depuis le désastre de Poitiers, il reçoit en apanage le duché de Bourgogne en 1363. Par son mariage avec Marguerite de Flandre (1369), il acquiert le comté de Flandre à la mort de Louis de Mâle. Ses territoires sont riches mais hétérogènes. Pour les gouverner, une capitale s’impose: Paris, au nœud des communications entre Flandre et Bourgogne. Le duc et sa cour résident plus de la moitié de l’année à l’hôtel d’Artois, dans l’île de la Cité. De nombreux chevaucheurs transmettent ses ordres et ceux de son chancelier, Jean Canard. Sur place, existe une administration particulière à chaque région. Ainsi le duché, le comté de Bourgogne, le comté de Nevers et la baronnie de Donzy possèdent-ils chacun un trésor des chartes. À plus forte raison la Flandre où il faut compter avec les difficultés de langue (Philippe le Hardi ne parle pas flamand) et les privilèges urbains (insurrection des villes flamandes de 1380, écrasée à Roosebecke en 1382). Vers 1385-1387, le duc centralise les institutions. Une chambre des comptes et une chambre du conseil sont créées à Dijon et réorganisées à Lille. Une foule d’officiers en dépendent. Le duc n’est plus un grand féodal, mais le chef d’un État dont l’administration est calquée sur celle du royaume de France. D’ailleurs Philippe le Hardi agit en prince territorial soucieux des intérêts de ses sujets. Si, à partir de 1376, il ne cesse pas de favoriser les trêves avec l’Angleterre, c’est qu’il défend l’industrie flamande en crise. Si lors du grand schisme d’Occident, il se rallie à partir de 1398 à la soustraction d’obédience, c’est pour ne pas diviser ses sujets: les Flamands, comme les Anglais, étant urbanistes, les Bourguignons étant clémentistes, en raison de leurs débouchés vers Avignon. Mais le cadre étroit d’un petit État ne suffit point à son ambition. Par obligation, par tempérament et par nécessité, Philippe le Hardi trouve dans la direction du royaume le champ véritable de sa politique. À la mort de Charles V (sept. 1380), il assure la régence — Charles VI n’a que douze ans — avec le duc d’Anjou et le duc de Berry, souvent absents. Le gouvernement des Marmousets (1388-1392) est la seule éclipse à son influence. La folie du roi (1392) et les crises qui y succèdent assurent son retour définitif au pouvoir. Cette domination s’accorde parfaitement avec la volonté de puissance du duc. Le soin qu’il prend à se vêtir des plus fins velours et des plus riches fourrures montre bien son goût pour la parade et pour les fêtes. Il est aussi un mécène très entouré. La construction de la chartreuse de Champmol, où travaillent en particulier les sculpteurs Jean de Marville et Claus Sluter ainsi que les peintres Jean de Beaumetz et Jean Malouel, est une des rares grandes entreprises d’une époque de contraction économique. Le monument est construit à la gloire du duc et doit servir à sa propagande. Les écrivains qui, telle Christine de Pisan, retrouvent en lui la sagesse de Charles V participent aussi à cette propagande. Il leur apparaît comme le mentor nécessaire du dauphin, Louis de Guyenne, et le garant d’une «policie» bien ordonnée. Sa place de pair du royaume l’y autorise. Mais, malgré le nombre des manuscrits rassemblés (plus de deux cents), la cour du duc n’est pas un foyer d’humanisme comparable à celle du duc de Berry. Philippe lui-même ne connaît pas le latin. Ses ouvrages préférés — chansons de geste, romans, traités didactiques — montrent bien qu’il est surtout tourné vers l’action politique. Par esprit chevaleresque, il s’occupe activement de préparer la croisade de Nicopolis qui se termine par un échec (1396). Une habile politique de mariage lui permet d’étendre sa puissance et d’acquérir des terres. Il lie étroitement la maison de Bourgogne et celle de France (double mariage de Marguerite, fille aînée de Jean sans Peur, avec Louis de Guyenne, et de Philippe, le futur Philippe le Bon, avec Michelle de France); il cherche aussi des alliances dans l’Empire, avec la Savoie et la Bavière; enfin il s’assure la pénétration dans les Pays-Bas. Songe-t-il pour autant au titre impérial? En fait, Philippe le Hardi, contrairement à ses successeurs semble rester avant tout un prince des «fleurs de lys». Il est vrai qu’il y est contraint par la nécessité de contrôler les rouages de l’État. Les revenus tirés de ses domaines, malgré leur extension, restent insuffisants pour soutenir sa politique. Le duc doit payer ses officiers, assurer son train de vie fastueux et surtout honorer les pensions et les contrats par lesquels il s’acquiert une clientèle fidèle. Philippe le Hardi est le chef du premier «parti» de France. Il s’agit d’une coalition hétérogène d’obligés et de parasites, recrutés pour beaucoup parmi les nobles ruinés par la crise, mais aussi d’admirateurs fervents, séduits par une propagande bien organisée (paix, réforme du royaume, abolition des tailles). Le duc est donc obligé de solliciter auprès du roi et pour son propre compte sans cesse plus de pensions. En particulier les impôts indirects, puis de grandes tailles levées sans le consentement des états alimentent les nombreux dons qu’il reçoit. À sa mort, ces derniers, sous quelque forme que ce soit, constituent environ la moitié de ses ressources; encore sont-ils insuffisants, étant donné les dettes contractées. Le duc place aussi «ses» hommes aux postes importants, faisant par là même coup double. Jusqu’en 1400 environ, cette politique ambitieuse ne rencontre guère de rival. Mais à la fin du XIVe siècle, le frère du roi, Louis d’Orléans, a des ambitions comparables. Cette opposition d’intérêts et de politiques éclate en 1402, lors d’échauffourées dans les rues de Paris. Seuls la relative modération du duc et le prestige dont il est entouré retardent la guerre civile. À sa mort, son fils Jean sans Peur, exclu du pouvoir et réduit à la portion congrue, sera contraint d’avoir moins de scrupules.
Encyclopédie Universelle. 2012.